L’émission « Envoyé spécial » a récemment mis en lumière la détresse de victimes de violences sexuelles qui affirment que l’armée a fait la sourde oreille à leurs témoignages, allant même jusqu’à les décourager de poursuivre leur carrière au sein des forces armées. Ninon Mathey, l’une de ces victimes, dénonce le manque d’écoute et de soutien de la part de sa hiérarchie après avoir alerté sur les agressions qu’elle a subies. Son courageux témoignage met en lumière les failles du système de protection des victimes au sein de l’armée.
« Ma major … » Ces mots forts ont été extraits d’une lettre écrite par Ninon Mathey à son supérieur. Elle y dévoile l’agression sexuelle qu’elle prétend avoir subie au sein de son régiment. Une lettre à laquelle elle affirme n’avoir jamais reçu de réponse.
Le parcours de cette jeune femme avait pourtant bien commencé lorsqu’elle s’est engagée à l’âge de 21 ans dans un régiment d’artillerie. Elle est sortie première de ses trois mois de formation. Elle raconte qu’un brigadier lui aurait fait des avances, l’aurait questionnée sur sa vie intime, et aurait commis des actes d’agression sexuelle.
L’agression, « un supplice sans fin »
Un soir, dans un endroit isolé, il l’aurait interpellée. À son instruction, Ninon se serait installée à côté de lui, tout en restant vigilante. Elle relate : « En un éclair, il m’a attrapée par les chevilles, m’a traînée au sol, et s’est assis, en même temps, m’attirant vers lui. Cela s’est passé ainsi, et moi, je lui répétais ‘Non, non, non’, ‘Brigadier, lâchez-moi, je veux simplement aller me coucher’. »
Mais son agresseur aurait persisté, essayant de la toucher, de l’embrasser, jusqu’à « passer sa main entre mes jambes par-dessus mon short et me toucher ». Ninon garde le souvenir « d’avoir vécu un supplice sans fin ».
Quatre plaintes classées sans suite
Ninon en parle immédiatement à ses camarades militaires féminines et découvre que trois autres jeunes femmes auraient également subi des violences sexuelles de la part du même brigadier. Ensemble, elles décident d’abord de garder le silence, de peur de mettre en péril leur carrière. Cependant, quelques semaines plus tard, l’une d’entre elles se confie à sa hiérarchie. Quatre plaintes sont déposées à la gendarmerie, dont une pour viol. Elles seront classées sans suite, faute de preuves suffisantes, comme la grande majorité des plaintes pour violences sexuelles.
Du côté de l’armée, Ninon et ses camarades sont entendues. Le brigadier écope d’une sanction disciplinaire, mais il reste en fonction. Elle pourrait le croiser à tout moment. Ne se sentant pas en sécurité dans ce régiment, elle reste chez elle, en arrêt maladie… isolée, traumatisée. Six mois après l’agression décrite par Ninon Mathey, elle affirme avoir reçu un document chez elle, lui annonçant la fin de son contrat. Ninon Mathey a contesté la résiliation de ce contrat, et l’a remporté. Cependant, en 2023, après avoir été déclarée inapte au service par un médecin, elle a définitivement rendu son uniforme.
Contacté, le ministère des Armées a informé « Envoyé spécial » que la sanction infligée au brigadier était en cours de réévaluation. Et a spécifié : « Le ministre a, par instruction du 26 mars, réaffirmé les principes fondamentaux : protéger la victime, saisir systématiquement le procureur de la République et punir sévèrement l’auteur. » Le ministère a également affirmé que 29 signalements au procureur avaient été faits depuis l’instruction, avec 13 suspensions prononcées (contre zéro auparavant). Une instruction sera bientôt signée pour mettre en place un programme de lutte global et durable contre les violences sexuelles et sexistes, a-t-il ajouté.
Extrait de « Fin du silence dans les rangs », un reportage à découvrir dans « Envoyé spécial » le 13 juin 2024.
source informationnelle : francetvinfo.fr
Pascal Petibon, né en 1980 à Lyon, est un journaliste et auteur renommé, passionné par l’information et la communication. Après avoir obtenu un diplôme en journalisme à l’Université de Paris, il a rapidement intégré diverses rédactions, où il s’est fait remarquer par son analyse pointue et son écriture claire.